Politiques sportives durables : vers une initiative exemplaire des élus !

Introduction

 Affirmer que l’action des acteurs et professionnels, engagés dans la préservation et la mise en valeur de l’environnement, dépend fortement de celle des élus ne constitue pas une approximation. L’élu, notamment local, serait le seul initiateur d’un projet, un monarque inflexible, un moteur indispensable tel l’unique cours d’eau venant irriguer une vallée.

Cette impression de dépendance existe mais elle n’est pas souhaitée, ni souhaitable, par les collectivités locales. Ces dernières sont tiraillées par deux enjeux qui conditionnent la réussite d’une politique environnementale.

 

Quelles conditions pour la réussite d’une politique environnementale?

 

 

Le premier enjeu concerne le passage d’un pouvoir fondé sur la légitimité légale à un pouvoir partagé fondé sur la gouvernance. Les élus locaux ont cette impression d’être attendus sur tous les agendas territoriaux et d’en être les déclencheurs. Sans eux, l’action locale serait routinière et sourde à toute idée innovatrice.
Aujourd’hui, le pouvoir local est dans une nouvelle approche qui consiste à modifier la relation perçue et réelle du pouvoir. L’élu cherche à fédérer l’ensemble des acteurs de son territoire et y faire émerger les synergies possibles en vue de préserver l’environnement local. L’objectif est double pour l’élu, d’une part, il dispose d’une meilleure compréhension de son territoire que ce soit dans ses richesses et ses contraintes, d’autre part, il impulse une logique de concertation afin de rassembler et de s’appuyer sur toutes les expertises avant toute prise de décision.
L’élu local pilote désormais les acteurs économiques, culturels, associatifs, scientifiques, ou encore civils, appartenant à sa zone, pour bâtir des mesures éco-responsables et transversales dans une logique de gouvernance.

Le second enjeu, qui détermine l’efficacité d’une politique environnementale, vise l’articulation des différentes compétences d’une collectivité. Agent de l’Etat, le maire d’une commune doit maintenir l’ordre public, notion qui se rattache au renforcement de la cohésion sociale de son territoire. Cette mission lui donne donc des compétences pour assurer la tranquillité, la salubrité, et la sécurité de ses administrés ; un pouvoir qui rejoint donc directement une obligation de protéger l’environnement que ce soit sur le plan sanitaire par exemple.
Le simple fait d’étudier le droit administratif et la place de l’élu local nous démontre donc que les collectivités peuvent produire des politiques environnementales qui renforcent la cohésion sociale. En ce sens, les politiques sportives durables constituent ainsi une illustration logique, elles sont un moteur d’épanouissement des usagers tout en se posant comme un distillateur de sensibilisation à l’environnement. Il faut rappeler que les collectivités locales ont consacré, en 2011, 11,6 milliards d’euros (dont 10,2 pour les communes) dans la dépense sportive[1], la France compte près de 35 millions de pratiquants et 16 millions de licences[2].

La mise en œuvre de ces politiques diffèrent selon le rôle des acteurs, la méthodologie d’exécution, ou encore les équipements concernés[3]. Mais la logique reste qu’une volonté politique de préserver et mettre en valeur l’environnement ne doit pas se borner à être l’un des compléments facultatifs d’un projet sportif local. L’objectif n’est pas, vulgairement, de fleurir l’entrée d’un gymnase ; mais de faire de l’environnement, du développement durable un pilier indispensable de toute politique sportive.  
L’analyse des pratiques des collectivités nous permet de distinguer deux approches dans l’élaboration de ces politiques sportives durables. La première s’appuie sur des projets environnementaux, souvent d’obligation d’application, pour modifier la politique sportive locale. La deuxième se concentre sur une action environnementale, en amont, qui découle sur d’autres politiques locales dont sportives.

 

Entre contrainte réglementaire et impératif budgétaire

Une politique sportive locale peut devenir durable, ou du moins respectueuse de l’environnement, alors qu’elle ne l’était pas lors de sa mise en œuvre. En effet, les élus corrigent les projets sportifs suite à une prise de conscience écologique, une obligation légale, une contrainte financière, ou encore une mise en adéquation de plusieurs chantiers territoriaux.

L’exemple le plus notable et médiatique est celui de l’instauration du  « Zéro Phyto » pour les terrains de sport en 2020. Une telle mesure pousse naturellement les collectivités à réorganiser leurs services et former leurs agents aux techniques alternatives, et par conséquent, à revoir les pratiques sportives sur ces terrains[4].
Comme le résume Michel Jarnigon, Adjoint en charge des sports à la mairie de Pontivy, « il faut trouver le juste équilibre entre les besoins de la pratique sportive et l’objectif du zéro phyto »[5]. Sa commune n’utilise plus aucun apport chimique sur ses pelouses de football grâce à des efforts sur les moyens financiers et les ressources humaines.    Concrètement, la ville utilise des solutions alternatives à savoirs les actions mécaniques avec du matériel de pointe (décompacteur-assouplisseur, aérateur, carotteur …). De plus, ces terrains sont entretenus par huit agents dont l’un dispose d’un logement de fonction sur place pour assurer un suivi minutieux.
Sur le même sujet, la commune de Chapanost[6] a élaboré un règlement du stade intégrant la gestion différenciée. Le « zéro phyto » a modifié la fréquence des pratiques sportives et les tontes en fonction des conditions météorologiques. 
Le problème, présent dans ces deux illustrations, est que ces communes envisagent d’installer un terrain synthétique. Une solution, pas concernée par la loi Labbé, qui contourne l’objectif de sensibilisation environnementale et fait grincer des dents les amateurs de football peu attachés à ce type de surface.

Dans un contexte budgétaire de plus en plus restreint, les collectivités réduisent leurs dépenses énergétiques, une politique vertueuse pour lutter contre le changement climatique et contribuer à un mode de vie durable.
La ville de Nantes a mis en œuvre ces mesures en traquant le gaspillage et les déperditions sur les 820 000 mètres carré de bâtiments municipaux[7]. Dans le cadre du programme européen « Life + Greencity », des capteurs sont installés dans les gymnases nantais pour suivre en temps réel les consommations. La commune cherche ainsi à sensibiliser les usagers des équipements publics, la ville de Moissac va plus loin en impliquant ses sportifs à éviter les consommations énergivores[8].
Désireuse de retranscrire les objectifs du Grenelle de l’Environnement, notamment en matière d’efficacité énergétique, la commune de Charly[9] a été accompagnée. En 2009, un audit énergétique global du patrimoine de la ville a été entièrement réalisé et financé par le Sigerly[10]. Cette étude a permis à Charly « d’avoir une vision globale de l’efficacité énergétique du parc immobilier, d’analyser les travaux à effectuer sur les bâtiments communaux [le Club Bouliste, le Stade Raymond Bourette et le Gymnase par exemple] et les opportunités en matière d’économies d’énergie renouvelables ».
Ces politiques mixtes économiques et durables peuvent aussi être mises en place dans le cadre d’un Plan Climat comme l’a fait l’Eurométropole de Strasbourg[11]. Depuis 2010, 33 équipements scolaires et sportifs strasbourgeois ont fait l’objet de travaux de rénovation (piscine, centre sportif, PMC, écoles, gymnase).

La gouvernance : le système pour une politique sportive durable réussie

 

L’autre alternative, souhaitée, est que les collectivités mettent en place une politique de développement durable de grande ampleur et transversale comme il est prescrit dans l’initiative gouvernementale des TEP-CV (Territoires à Energie Positive pour la Croissance Verte). Les politiques sportives sont donc durables dans leurs essences même.

Ces actions peuvent résulter d’un volontarisme politique comme l’exemple de la commune de Vitry-le-François[12] qui a créé, avec la Communauté de Communes Vitry, Champagne et Der, la SEM Vitry Energies qui a renouvelé son réseau de biomasse. Un investissement au service de ses gymnases et sa piscine devenue un centre aquatique construit aux dernières normes écologiques.

Sous l’onction de la gouvernance, analysée précédemment, les politiques sportives durables font l’objet d’une co-construction répondant au principe de la démocratie locale. A l’époque, l’ancien Conseil Régional de Picardie a bâti sa nouvelle politique sportive durable grâce à une démarche de concertation de 18 mois[13].
Concrètement, la collectivité a mis sur pied une Conférence Régionale de Développement du Sport, élaboré un questionnaire et un site collaboratif, et organisé des rencontres territoriales, des réunions de jeunes licenciés, et des groupes de travail. Ces instances se sont inspirées de « L’Agenda 21 du Sport Français » en faveur du développement durable[14] décliné par le Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF) en Décembre 2003. Elles ont aussi souhaitées un soutien pour développer des manifestations sportives durables d’où le partenariat avec l’ADEME (Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) pour élaborer la plateforme « Eco-évènement ».

Afin de parvenir à un « aménagement sportif durable », le Conseil Départemental a rédigé un Schéma de Cohérence Territorial des Équipements Sportifs (SCOTES) sur-mesure[15]. Ici aussi, la « participation et la concertation des acteurs est essentielle » avec une démarche présente à toutes les phases du projet (conception, travaux, exploitation) et qui associe les compétences (programmiste, maître d’œuvre, bureaux d’études, entreprises de travaux, exploitants techniques…). A cet effet, la collectivité a appliqué les principes de l’architecture bioclimatique dans la construction de ses équipements sportifs, a fait évoluer les pratiques et la fréquentation de ces sites, et les a soumis à des objectifs chiffrés, et a suivi les préconisations de l’ADEME et du Ministère de la Santé, de la Jeunesse, des Sports, et de la Vie Associative.

Cette logique de gouvernance est aussi accessible aux communes comme l’illustrent les actions de Saint-Cyprien[16]. Dans un souci de rendre visible l’action municipale, une collaboration est instituée entre la commune, les clubs sportifs, et les dirigeants associatifs. Sur le plan environnemental, cette politique sportive a été fondée sur l’implication des pratiquantsdans le respect de cette démarche durable, la création de manifestations labellisées « développement durable », et l’adhésion au label local.

Pour conclure

Si l’efficacité d’une politique sportive durable dépend de l’implication des élus, elle est aussi conditionnée au niveau de participation des acteurs territoriaux qui répondent aux impératifs de transversalité de ce type d’action. Si les règlementations et les contextes économiques jouent un rôle décisif, la mobilisation des partenaires locaux, autour de la municipalité, parvient à allier au mieux la cohésion sociale et le respect de l’environnement au travers d’une politique sportive durable.

Pierre Pavy

Chargé de mission Biodiversité

[1] Direction de la Jeunesse, de l’Education Populaire et de la Vie Associative (DJEPVA), « Comptes économiques du sport », Mission des Etudes, de l’Observation et des Statistiques

[2] « Le SCOTES pour des aménagements sportifs durables », Site Internet du Conseil Départemental de Seine-Saint-Denis

[3] « Guide méthodologique ‘Sport et Développement durable’ des Eco Maires », Ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, le 22 Novembre 2011

[4] « 2020 : zéro phyto pour les terrains de sport », Sport21.fr, le 16 Février 2014

[5] QUEFFELEC Gilles, « Terrains de foot : le zéro phyto, mais à quel prix ? », Pontivy Journal, le 26 Septembre 2014

[6] « Entretien des terrains de sport sans phyto – Expérience de Chapanost », La Tronche, le 5 Novembre 2013

[7] « Comment Nantes devient moins gourmande en énergie », Site Internet de la Mairie de Nantes

[8] « Moissac. Les sportifs invités à faire des économies d’énergie », La Dépêche, le 25 Février 2011

[9] « La ville de Charly et les économies d’énergie », Site Internet de la Mairie de Charly

[10] Syndicat intercommunal d’énergie qui assure sur le territoire de la commune la mission de contrôle du service public de distribution d’énergie, de l’éclairage publique et de la dissimulation de réseaux

[11] « Politique énergétique – Répondre aux enjeux de la transition énergétique », Site Internet de l’Eurométropole de Strasbourg

[12] Contribution de Monsieur Jean-Pierre BOUQUET, Maire de Vitry-le-François, Président Délégué de l’Association Les Eco Maires

[13] « Sport en Picardie : une nouvelle politique », Site Internet du Conseil Régional de Picardie

[14] PEREIRA Didier, « Tout pour réussir une manifestation sportive durable » Publibook

[15] « Le SCOTES pour des aménagements sportifs durables », Site Internet du Conseil Départemental de Seine-Saint-Denis

[16] « Politique sportive », Site Internet de la Ville de Saint-Cyprien



Catégories :Uncategorized

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